lundi 28 janvier 2008

Tracées de mélancolies

“Homme au monde,
ça veut dire dans ton Lieu : Planté !…
Planté mais déployé. Ne dis pas qu’on t’a dit.”


(…) il monte d’une boucle du temps et en fait sa beauté.
Ô nègre de terre, façonné de grandes brumes et de pluies.


Elle fait le geste du cacao. C’est un monde,
c’est un savoir, et c’est une science, c’est une survie aussi…


Maître des viandes, il chevauche l’animal,
offre la force de ses chairs, il vient des magies cannibales
et conserve dans ses yeux cette cruauté tranquille
et ce savoir qui ne se dit même pas…


Geste de bambou pour nasse, il vient de loin aussi,
des peuples premiers, des peuples perdus pour nous,
chaque trou est une étoile qui tient et qui libère…


Trace de machine à coudre, misères vaincues
de cette manière, tant de fierté restaurées dans l’arroi
des grands-messes du dimanche !


Le bouton est de fierté, l’éclat sur le tissu,
la petite touche qui fait lumière en grande nécessité…


Geste du four, Trace de feu dans les bois !
Four à charbon, c’est chapelles solitaires nimbées
de leurs fragiles panaches de fumée et d’odeurs.


Petite personne, considère ton Lieu.
C’est pays-Martinique. C’est ton assise au monde.


Texte : Patrick Chamoiseau
Photos © J-L. de Laguarigue
Éditions Traces HSE

vendredi 25 janvier 2008

Usage non philosophique de la philosophie

Ça fonctionne partout, tantôt sans arrêt, tantôt discontinu.

Ça respire, ça chauffe, ça mange. Ça chie, ça baise.

Quelle erreur d'avoir dit le ça. Partout ce sont des machines, pas du tout métaphoriquement :

des machines de machines, avec leur couplages, leurs connexions.

Une machine organe est branchée sur une machine source : l'une émet un flux que l'autre coupe…

Photos © J-L. de Laguarigue
Texte : Gilles Deleuze, Félix Guattari (L'anti-Œdipe, Éditions de minuit).


mercredi 16 janvier 2008

L'épaisseur des choses

Je me suis longtemps intéressé aux intérieurs, comme une suite logique, un pendant du portrait…

Curieux des objets, je recherche ce qui émane de leur situation, ici ou là,

de l'importance que peuvent y attacher les personnes qui les possèdent.

Un peu à la manière de Francis Ponge, c'est ainsi que j'aimerais vous convier à quelques uns de mes voyages dans l'épaisseur des choses…

jeudi 10 janvier 2008

Toyota suite…

Je poste cette nouvelle note au sujet de mon travail sur Toyota, car j'ai reçu un commentaire intéressant qui me donne l'occasion de préciser certains détails au sujet de la construction de l'image de la marchande.

C’est tout à fait vrai que l’ombre du personnage en arrière-plan est un peu trop forte ; cela aurait pu être aisément corrigé à la photogravure. Ce qui peut paraître acceptable sur une épreuve de contrôle en A5 ne l'est pas forcément sur une 4x3 : il faut donc toujours tenir compte de la taille d’utilisation maximale d’une image (et aussi… errare humanum est).

Toutefois, je pense que l’affiche est vue dans sa totalité — qui est composée de deux images — et que l’effet de l’ombre est très largement atténué par l’image en couleur de la petite fille.

Pour revenir à cette seule partie en noir et blanc, je dirais que l'ombre a l’avantage de fermer l’image et qu'elle ne remet pas en cause sa composition basée sur le placement des trois personnages, qui se renvoient l’un à l’autre.

Ainsi, la marchande au premier plan constitue le premier tiers de l’image dans sa composition verticale. Ce tiers est délimité par le poteau sur lequel elle semble s’adosser, et par le premier plan de sa main posée sur la table.

Le deuxième tiers est essentiellement constitué de l'arrière-plan que forment les lignes vertes sur le schéma. Le mouvement des deux têtes inclinées crée la dynamique et souligne la lecture du mot Toyota situé à hauteur d’œil (en rouge sur le schéma).

L’image fonctionne donc parfaitement. Mais si elle devait être réutilisée, je tiendrais compte de cette remarque (car… perseverare diabolicum ;))

mardi 8 janvier 2008

Automne malade

J'inaugure aujourd'hui une nouvelle rubrique dans laquelle je mettrai en ligne un poème que j'aime particulièrement et que j'illustre avec des photos la plupart du temps déconnectées de mon univers photographique habituel. Pour cette première, voici ma vision du poème de Guillaume Appollinaire, Automne malade…

Automne malade et adoré
Tu mourras quand l'ouragan soufflera dans les roseraies
Quand il aura neigé
Dans les vergers

Pauvre automne
Meurs en blancheur et en richesse
De neige et de fruits mûrs
Au fond du ciel
Des éperviers planent
Sur les nixes nicettes aux cheveux verts et naines
Qui n'ont jamais aimé

Aux lisières lointaines
Les cerfs ont bramé

Et que j'aime ô saison que j'aime tes rumeurs
Les fruits tombant sans qu'on les cueille
Le vent et la forêt qui pleurent
Toutes leurs larmes en automne feuille à feuille
Les feuilles
Qu'on foule
Un train
Qui roule
La vie
S'écoule


Photos réalisées à Rockport, Maine, USA.

jeudi 3 janvier 2008

Toyota à la Martinique

Jean-Luc photographie “non pas de simples exemplaires de l’Homme en général,
mais des gens de ce pays-ci, dans l’irréductible singularité de leur histoire,
de leur géographie, de leur quotidien et de leur imaginaire.
Leur portrait est donc indissociable du portrait des gestes, des outils,
des objets, de tous ces riens qui font une âme euphémiquement créole.”



À la demande du groupe CCIE Martinique et de Lagencedecom’, je travaille depuis quelque temps autour du thème de “la voiture Toyota à la Martinique”, et de son intégration dans le paysage ethnique et sociologique.

Implantée depuis 35 ans à la Martinique, la marque connaît en effet un grand succès et nombreux sont les martiniquais qui l’ont adoptée à l’instar d’une “figure créole”. Ainsi, certains agriculteurs n’hésitent pas à dire de leur voiture qu’elle a remplacé le mulet dans les mornes…
Aujourd’hui, on trouve encore des modèles de la marque qui fonctionnent depuis plus de 25 ans — un record et une performance quand on connaît les effets d’un climat tropical sur les véhicules. Quelques familles sont devenues “toyotistes” de père en fils… Madame Bayard, marchande de quatre-saisons dont le portrait illustre l’une de ces deux affiches, est si fidèle à Toyota qu’elle a déjà possédé plus de quinze voitures de la marque depuis qu’elle exerce son activité.
Comme une suite logique au travail que j’ai entrepris depuis de longues années à la Martinique, je me suis donc totalement approprié ce projet, qui donnera lieu à une exposition photographique au mois de mars et à la parution d’un ouvrage pour la fin de l’année 2008.